Hier soir je me suis regardé Kairo, de Kiyoshi Kurosawa, prêté par un ami. Je m'intéresse depuis longtemps aux histoires de fantômes et ça faisait un moment que ce film m'intriguait. J'ai apprécié la manière très fine et originale qu'a eu le réalisateur de les représenter. Loin des débordements d'effets spéciaux hollywoodiens, il a su développer une atmosphère vraiment particulière, qui imprègne les personnages et les entraîne peu à peu dans la mort. Un des aspects troublants du film est le manque de clarté dans la frontière séparant les morts des vivants. Les personnages semblent apathiques, livrés à eux-mêmes, désespérément seuls. À se demander qui sont les vrais fantômes. Une scène magnifique mais très courte résume parfaitement cette idée : une femme s'inquiète pour un collègue de travail devenu amorphe, terré dans un coin, et lui disant qu'il a très froid. La jeune femme est prévenante, on le sent bien, mais son réflexe n'est pas de prendre l'homme dans ses bras. Au lieu de ça, elle sort de la pièce et revient avec une couverture... Mais l'homme s'est déjà levé et est retourné à son travail. Il ne souffrait pas réellement du froid, mais d'une solitude insupportable qui le tétanisait jusque dans sa chair. Au Japon, on ne se touche pas. On ne pénètre pas facilement dans le cercle d'intimité de quelqu'un. Mais plus grave encore, et cela semble être le propos du film, les gens éprouvent de grandes difficultés à communiquer. Ce dénuement vis à vis des autres et de sa propre condition, poussant les êtres au suicide, est un thème récurrent du cinéma japonais des années 2000. Un autre film fantastique, "Suicide Club", racontait à peu de choses près la même histoire. Une histoire de vivants déjà à moitié morts, qui s'accomplissaient dans le renoncement à la vie, ou plutôt au combat quotidien pour rester en vie, perdus dans une société qui nie le droit à l'individualité.