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  • : Le blog d'Ebichu
  • : Jeu de go, traductions de mangas, musique et films : un tour d'horizon de mes centres d'intérêt qui gravitent souvent autour du Japon.
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4 mars 2007 7 04 /03 /mars /2007 22:21
J'ai longtemps rêvé de rencontrer un authentique maître de kung-fu chinois, un vieil excentrique un peu illuminé, à la sagesse et au savoir prodigieux, qui aurait fait de moi son disciple privilégié. Comme beaucoup d'adolescents sans doute, je fantasmais en me prenant pour une sorte de Karate Kid. Et puis un jour, j'ai fini par le rencontrer. Il ne pratiquait pas le kung fu ; il jouait au go. Je veux parler de Yoo Jong Lim, mais dans le (très) petit monde du go français, où l'on a pour habitude de parler de lui avec un mélange de respect et (parfois) de sarcasme, les gens l'appellent Maître Lim. Ce vieux monsieur coréen à la barbe blanche et au regard malicieux, tout droit sorti d'un film de la Shaw Brothers, donne toujours l'impression de préparer un mauvais coup. En fait, il collectionne réellement les mauvais coups, plus précisément ceux des professionnels de go qu'il prend un malin plaisir à démystifier. Car Maître Lim voue une véritable passion à la quête de la vérité. Le jeu de go requiert selon lui trois qualités essentielles : l'esprit scientifique, l'esprit d'indépendance, et l'esprit d'autocritique, car « l'esprit du go » dit-il, « c'est apprendre à avoir honte de soi ».

Maître Lim est connu pour avoir introduit ce jeu millénaire en France à la fin des années 60, et formé l
es premiers grands joueurs français, qui ont ensuite formé les suivants, et ainsi de suite. C'est dire le rôle fondamental qu'il a joué dans la propagation du jeu. J'ai fait sa connaissance il y a maintenant plus de deux ans au café Le Lescot (métro Etienne Marcel) qui abrite le club de go de Paris, le plus fréquenté de tous les clubs parisiens. Ce jour-là, il était assis à une table, jouant une partie à handicap avec un joueur français. J'étais très impressionné d'avoir en face de moi l'auteur du Jeu à 6 pierres de handicap, un ouvrage de référence qui venait justement d'être réédité et dont je venais de faire l'acquisition. Je lui ai parlé, il a continué à jouer en m'ignorant, totalement pris dans sa partie. Prenant son silence pour du mépris, je suis sorti extrêmement vexé et en colère. Quelques jours plus tard, je l'ai revu, toujours assis à la même table. Il était cette fois seul, l'esprit tout entier concentré dans l'étude d'une partie de pros récente qu'il rejouait sur un goban en plastique. Je lui ai demandé de m'accorder une partie pédagogique, ce qu'il a fait. Et j'ai compris, dans son regard, qu'il me voyait pour la toute première fois. Il m'a d'emblée poser une question : étais-je un scientifique, ou un littéraire ? Je lui ai répondu que j'avais fait un bac L (je n'ai pas osé lui dire que j'étais une quiche en philosophie). Son visage s'est alors illuminé, et il s'est écrié que d'ordinaire, les joueurs de go français étaient majoritairement des mathématiciens ou des scientifiques. Et que comme il s'intéressait essentiellement aux lettres, il trouvait peu d'interlocuteurs dans ce milieu. Il a alors commencé à me parler de Kant, Hegel, Dostoïevski, Confucius, Lao Tsu... J'appris que toutes les traductions du "Tao" étaient, d'après lui, médiocres, que personne en France n'avait compris de quoi il s'agissait. Que Sartre et Rimbaud faisaient partie des rares écrivains français qu'il estimait. Et depuis, je l'écoute parler, parfois difficilement, car son français est à couper au couteau et il faut du temps pour s'y habituer. Nos "discussions" sont en réalité des monologues : il ressent le besoin de transmettre ses théories et ses positions souvent très engagées, et moi, je bois ce qu'il dit comme une éponge qui se gorge d'eau. Je ne le coupe que lorsque je pense pouvoir enrichir ses propos ou les contredire. Mais la plupart du temps, je suis bien incapable de me hisser jusqu'au 10ème de ses connaissances.

Parfois, il fait des raccourcis surprenant entre go et littérature : par exemple, il compare le style de jeu de Lee Sedol, le deuxième plus fort joueur de la planète, au génie d'Arthur Rimbaud, citant ce dernier : « Tout à démolir, tout à effacer dans ma tête ! ». Pour lui, le plus important est de cultiver l'esprit d'indépendance, de ne pas suivre aveuglément les conventions dogmatiques, mais d'être capable de tout remettre en cause. Lim exprime ainsi son combat contre la médiocrité humaine. Et tel le Don Quichotte de Cervantès, ses coups d'épées épiques frappent l'air sans atteindre leur cible. À moins qu'on ne soit sensible à son discours. Une disposition qui, selon lui, manque cruellement aux joueurs de go contemporains.
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commentaires

G
Putain le go quoi ...Je me suis mis à hikaru no go 1 & 2 sur gba je lis le manga...ça m\\\'intéresse et tout maisJ\\\'y arrive pas.je suis trop une bille à ce jeu.
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D
Comment ça pullule d'articles u_u''hihihi. Ayé t'es parti là tu t'arrêtes pu !!Jme demandais quand y allait y avoir un tit article sur le GAUW, wala que c'est fait :DBon j'ai pas encore tout lu, mais mais.. mais je vais le faire XDmmm... bientot tu vas depasser mon nombre d'articles lol! faut que je m'y remette XD<br /> Pas encore de retour sur l'avant premiere de terremer ?<br /> au fait, tu aimes les couleurs que j'ai choisi pour ce commentaire ? XDDDD
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A
Le dernier article mis en ligne devrait te faire plaisir ! J'ai pas pu aller à l'avant-première de Terremer finalement, c'était complet u_u Et j'ai pas fait gaffe qu'on pouvait retirer des invitations depuis plusieurs jours (c'était écrit en riquiqui en bas de l'affiche qui annonçait ça aux Halles). Quant aux couleurs de ton commentaire, elles m'inspirent les renvois bucaux d'un nourrisson après sa purée de carottes nocturne (cela dit, moi c'est encore pire)Bisous ; )